Joker, de Todd Phillips

1980. Gotham City. Arthur Fleck mène une difficile existence au cœur d’une société qui le rejette. Comédien manqué et psychotique, il perd son boulot après s’être fait tabasser par une bande de jeunes sans scrupules. Incompris de tous, Fleck s’enfonce peu à peu dans les ténèbres et se transforme en clown nommé Joker, un tueur qu’on ne peut arrêter…

Oubliez tout ce que vous connaissez sur le personnage emblématique des DC Comics.

Joker ne ressemble en rien à ce que vous avez déjà vu. Todd Phillips (que l’on connaît principalement pour la trilogie de HangoverVery Bad Trip- ), change totalement de registre dans cette mise en scène dramatique qui au fil des séquences, bascule dans le tragique ; en effet, si au départ on peut imaginer un tant soit peu que le personnage puisse se sortir de la situation dans laquelle il est, cela diffère rapidement au fur et à mesure de l’avancée du long-métrage. Fleck tombe de Charybde en Scylla et plus rien ne pourra le stopper, cela est certain.

Pour commencer, le scénario tient parfaitement la route. Dès le départ, le spectateur ne peut qu’éprouver de l’empathie pour cet être qui n’a finalement rien demandé et s’en prend clairement plein la gueule. Il fait partie de ce genre de personnes irrésistiblement attirées par les problèmes. Cette malchance mêlée à une situation familiale déséquilibrée et à une personnalité clairement psychotique donne un résultat inévitable : celui d’un homme incompris et persécuté, qui va d’abord chercher à se défendre puis, par ses actes, devenir l’icône tant attendue d’un peuple mécontent, à la recherche d’une porte de sortie dans une société divisée en deux : les pauvres et les riches. L’ensemble de ces circonstances laisse place à une tension palpable. On se laisse définitivement happé par l’intrigue. Les 122 minutes passent à une allure folle.

Si la recette fonctionne, c’est en partie grâce à la prestation de Joaquin Phoenix. Cet acteur singulier choisit ses films avec brio : Gladiotor, Her, La nuit nous appartient, Two lovers, Walk the line et tant d’autres ! Cet américain de 44 ans possède un talent fou, c’est indéniable. Il incarne ici un personnage plus que fictif, presque réel. Son jeu envoûtant est une véritable prouesse. Impossible de rester de marbre face à cela. On ne peut s’empêcher de penser aux autres acteurs qui ont incarné le joker : Jack Nicholson dans Batman (1989) de Tim Burton ou bien Jared Leto dans Suicide Squad (2018) de David Ayer. Mais le plus marquant est incontestablement Heath Ledger dans The Dark Knight, (2008) de Christopher Nolan – j’avoue ma subjectivité à son sujet car c’était mon acteur fétiche –. Ce dernier Joker est celui qui est le plus proche en termes de justesse quant à l’incarnation du personnage fou malgré une différence d’interprétation. Phoenix est transcendant. Sa violence est croissante. Elle monte crescendo jusqu’au point de non-retour. On se demande jusqu’où il est possible d’aller. Sa folie et son mal-être n’ont plus de limites. Il s’est engouffré dans un brèche qu’il a ouverte sciemment (ou non ?). Le spectateur est tenu en haleine. Il se perd face à la violence à la fois morale et physique. Les scénaristes ont fait le choix de laisser quelques actions libres à l’interprétation du spectateur. C’est à la fois déconcertant et parfaitement jouissif.

L’esthétisme du film est un point fort. Les plans sont travaillés et harmonieux. Les jeux de lumière quant à eux demeurent incroyables. Le travail de photographie est prodigieux. La musique n’est pas en reste et vient ajouter de sa superbe. Elle est tout simplement renversante. De plus, elle apporte une dimension poétique au film.

Joker est une sorte de docu-fiction, un biopic. Il apporte un véritable regard sur les troubles psychiques du genre humain. Perturbant, dérangeant, reflétant une triste réalité, le long signé Todd Phillips ne vous laissera pas indifférent, croyez-moi.

Chloë Hugonnenc

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